Il faut le voir à la manœuvre, sans baguette ni conducteur, comme à nu, le corps et le regard en totale symbiose avec la musique. Cette musique, on dirait qu’il la sculpte à mesure qu’elle naît. Qu’il la pétrit, la caresse, l’enlace en un geste amoureux, la fait lever comme une pâte, injectant dans la masse des cordes une délicieuse onctuosité. Parfois aussi, il la tient en suspension du bout du doigt, comme une question. Puis l’abandonne dans des pianississimos à la lisière de l’audible. Ou la relâche en un formidable effet de blast.
Mais il faut aussi le voir dans l’intimité de l’interview. Chaleureux, ouvert, décontracté. Loin de l’humeur froide que l’on prête à certains de ses aïeux, les Toscanini, Karajan ou autres Boulez. « Il est hyperpositif, très humain, confirme la flûtiste française Juliette Hurel, qui officie dans son orchestre de Rotterdam depuis 1998. Quand il arrive, c’est un rayon de soleil. Il connaît tout le monde. Il n’est pas avare de câlins. Et quand il dirige, sa gestique est claire comme de l’eau de roche. » Des dires qui corroborent ce que l’on perçoit de lui sur scène. « Il communique beaucoup avec le visage, insiste-t-elle. D’un sourire, il saura faire mieux jouer un musicien. Ce qui est plus efficace que de le trucider du regard, comme feraient d’autres chefs ! »