Yannick Nézet-Séguin fait forte impression en Europe - Richard Boisvert, La Presse

«Il n'y a qu'un seul mot. Fabuleux. Écrivez-le!» La spectatrice, une musicienne américaine en visite en Espagne, avait bien raison d'insister auprès du journaliste de La Presse, hier. On peut considérer l'exécution du Requiem de Verdi par l'Orchestre philharmonique de Rotterdam et l'Orfeón Donostiarra, sous la direction de Yannick Nézet-Séguin, comme accomplie à tout point de vue.

Tout y était. Des profondeurs obscures du Requiem aeternam à la lumière quasi surnaturelle du Lux aeterna, l'oeuvre présentée hier soir, à l'occasion de la Quinzaine musicale du Festival de San Sebastian, avait la portée symbolique d'une marche, d'une conquête, d'une ascension spirituelle.

Car tel est bien le propos de l'oeuvre. L'interprétation de Yannick Nézet-Séguin est tellement nuancée, tellement dosée dans la réalisation des effets, qu'on ne parle plus d'effets, précisément. On parle de musique.

Le Libera me se transforme en un appel si puissant qu'on dirait qu'il cherche à percer le plafond de la salle et à se rendre jusqu'au ciel.

L'Orfeón Donostiarra, une formation locale de très grande qualité qui réunit exclusivement des choristes amateurs, a joué un grand rôle dans cette réussite. On sent tellement de stabilité dans l'intonation, et surtout tellement de coeur dans l'exécution, qu'on peut dire que le résultat dépasse de loin celui qu'on obtient de bien des ensembles professionnels.

L'Orchestre philharmonique de Rotterdam interprète les passages les plus dramatiques avec une précision diabolique, c'est le cas de le dire. Les terrifiants cuivres du Dies Irae vous glacent le sang.

Karen Cargill vient rappeler le rôle fondamental que la voix de mezzo-soprano doit occuper dans l'oeuvre, notamment dans le Lacrymosa, un mouvement qui s'épanouit grâce à elle dans toute la plénitude de son lyrisme. Ce n'est plus le chant d'une quelconque souffrance, mais bien celui de la douleur de la séparation définitive.

Camilla Nylund et Mikhail Petrenko donnent un élan et une élégance rares au Domine Jesu.

Le ténor d'origine albanaise Saimir Pirgu remplaçait au pied levé son collègue Bryan Hymel, celui-ci ayant dû annuler pour des raisons de santé.

J'ignore si on a perdu au change, mais il faut admettre que ce jeune homme s'en est rudement bien tiré. Dans le Hostias qu'il a chanté réellement dolcissimo, sa voix possède une qualité et une souplesse comme on n'en rencontre à peu près plus de nos jours.

Alors qu'il avait passé la journée penché sur la partition du Vaisseau fantôme, l'opéra de Wagner qu'il dirige au Wiener Staatsoper à compter de la semaine prochaine, Yannick Nézet-Séguin a tout de même tenu à diriger ce Requiem de mémoire.

Le chef québécois méritait les applaudissements nourris et chaleureux récoltés à l'issue du concert. La grandeur de cette soirée, tout le monde s'en rend compte, c'est à lui qu'on la doit.

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« Knocking at the gate of Heaven »

The New York Times